La Ferme légère est un écolieu décroissant qui se prépare à l’effondrement de manière pragmatique et bienveillante. Elle a pour objectif de réduire drastiquement son utilisation des ressources et y réussit par bien des aspects. Petit tour d’horizon et fiche de synthèse de cet écolieu qui m’a beaucoup inspiré.
Comment j’ai connu la Ferme Légère : j’ai séjourné deux fois à la Ferme Légère qui se trouve près de Pau, une première fois à l’occasion de leur « résidence décoiffante » qui est un stage d’immersion dans leur mode de vie, et une seconde fois pour un court séjour. Cela m’a permis de tisser des liens authentiques et plutôt forts avec le groupe.
Rappel : cet article a pour vocation de lister ce que j'ai envie de retrouver dans mon futur écolieu idéal, ce que je veux éviter dans ce même éco-lieu, et les apprentissages personnels qu'ils ont pu m'apporter. Ce n'est pas un "avis utilisateur"... |
Fiche technique
- Lieu : Méracq
- Date de création : 2015
- Nombre de résident·e·s : entre 10 et 20
- Collectif ou communauté ? Collectif dans la mesure où chacun a sa chambre, mais vie commune dans une même ferme rénovée et 90% du travail est fait sur place, ce qui se rapprocherait d’une vie de type communautaire.
- Bâti : ancienne ferme rénovée + une yourte
- Surface du terrain : 11 ha de prairie et forêt avec un très grand potager
- Structure juridique principale : SCI + association avec bail emphytéotique (en cours)
- Fondamentaux du collectif (par le prisme de ma propre perception) : face au futur effondrement, vie décroissante et écologique qui teste, expérimente, partage et se questionne sans cesse sur tous les aspects, avec une éthique très forte.
- Ouvert au public ? Parfois (stages, JPO, etc).
- Modèle économique : décroissance radicale, aides sociales, stages et formations.
- Plus d’infos : fermelegere.greli.net
Ce que je prends
- Une réflexion et une mise oeuvre sur la décroissance que je trouve inspirantes, à la fois sur le côté « performance » (consommation de 10 fois moins d’énergie qu’un français moyen, optimisation des consommations de manière créative et efficace) et technique (mon côté ingénieur se régale par leur côté ingénieux) (1)
- Tellement ingénieux ! (bis) et optimisé ! Quelle intelligence dans la mise en oeuvre ! Que ce soit le chauffe eau solaire sans circulateur électrique, la pompe pour alimenter le château d’eau qui s’active seulement quand les batteries sont pleines, etc…
- … Des choix radicaux assumés (par exemple : 1 seul véhicule à pétrole pour toustes, non négociable pour rejoindre le collectif).
- La précision dans les explications de la team et leurs répartition par rôle (Marc pour la technique, Sylvaire pour le maraîchage, Sylvie pour les plantes médicinales)
- La production locale de plein de denrées : des légumes, de la viande (on a mangé un agneau de chez eux), du fromage de brebis, du pain (ils ont un four à pain).
- Plus de faire, moins de blabla. Chaque soir, une réunion des fermier·e·s léger·e·s courte et pragmatique permettait de savoir qui fait quoi de manière efficace le lendemain. Ça change des écolieux où on parle beaucoup maison mais on produit peu…
- Un sens de l’organisation et de l’ergonomie qui m’ont inspiré (de l’atelier au potager en passant par la gestion d’électricité).
- Des êtres profondément humains (humanité j’ai pu approfondir en discutant beaucoup avec Marc, la personne source), qui réfléchissent jusqu’au fond des choses sur leurs choix de vie avec une éthique très forte, un questionnement permanent et une remise en question facile qui évitent de fossiliser la pensée et de se refermer sur des dogmes.
- Une conscience vis à vis des animaux, avec un positionnement que je considère respectueux et qui me convient. Le collectif mange rarement de la viande, et se contente de manger les animaux qu’ils ont sur le la ferme et qu’ils tuent eux mêmes. Lors de la résidence décoiffante, j’ai pu voir comment ils faisaient, en pleine conscience, sans faux semblants, pour tuer un agneau et on ne pouvait faire mieux à mon sens (l’animal n’a pas souffert et ils se sont nourris de viande).
- Un sens de l’organisation qui me plaît (chaque chose à sa place et tout est bien rodé tout en gardant une certaine souplesse dans la mise en oeuvre).
- La conscience sur toute chose. Par exemple, chaque bocal de nourriture a un code couleur (pour marquer son empreinte CO2) et un prix au kg (pour conscientiser le coût). Pas pour faire culpabiliser si on mange des amandes, mais pour conscientiser.
- La confiance en toute chose. Par exemple, le livre de Marc et Valérie (« Voyage en effondrements ») met en avant une forme d’acceptation d’être vulnérable face à ce qui pourra se passer post-effondrement et formule un espoir de solidarité tout en refusant la violence face à la violence potentielle.
- Un PLC (prix libre et conscient, lorsqu’on est hébergé et nourri) hyper social qui responsabilise individuellement, qui incite les plus aisés à participer davantage sans culpabilisation, et qui autorise les woofers et autres participant·e·s à ne rien payer s’ils ont pas ou très peu de revenu.
- Un super potager ! Enfin un écolieu totalement autonome en légumes ! Et, pour citer la blaque de Marc, « où le potager est plus grand que le parking ».
- De l’humour (plutôt visible dans les newsletters et le site qu’au quotidien sur place, hélas). On peut être collapso et drôle 😉
- Un terrain plutôt joli, valloné et diversifié… Même si la pente, c’est plus d’efforts !
- Une gestion de conflit qui m’a l’air hyper fluide (j’ai pu voir une tension entre deux résidents qui s’est résolue entre eux en 10 minutes le jour même).
- Une véranda bioclimatique super efficace qui chauffe et isole à la fois la maison.
Ce que je laisse
- (1) J’admire leur performance, mais en date d’aujourd’hui (12 août 2023), être contraint par une telle décroissance m’oppresse. Je souhaite donc tendre vers cette décroissance, mais en gardant un peu plus de confort, notamment…
- … L’eau de boisson du matin est chauffée la veille avec la cuisson du dîner au feu de bois, puis stockée dans des thermos stockés eux-mêmes dans une cocotte norvégienne. Résultat ? De l’eau tiède et en quantité insuffisante pendant notre stage de « résidence décoiffante ».
- … Laver la vaisselle à la main à 2 bacs, c’est top. Sauf si l’eau du 1er bac est tellement noire qu’on salit l’assiette en la lavant (idem pour les torchons que je ne préférais pas utiliser). Au passage, une pépite : lécher l’assiette et son gras, c’est écolo pour la pédo-épuration 😉
- … Le dentifrice « décroissant » qui est compatible avec la pédoépuration c’est comme bouffer un morceau d’argile. Je préfère ne pas laver les dents…
- … Et surtout, surtout : lors ma 2ème venue, j’ai aidé au potager avec plaisir car c’était ma décision et que je rentrais chez moi après, et que je restais libre de faire ou pas (j’ai joué le jeu, évidemment !). Maintenant, imaginer un monde où nous serions contraints de ne faire que produire pour (sur)vivre (post-effondrement, c’est possible que ce scénario arrive), ça m’oppresse terriblement, d’où une pépite (voir paragraphe suivant).
- Un collectif qui fait, plutôt que de tergiverser, c’est très bien. Qui pense, plutôt que de se laisser aller à papillonner sans cesse, c’est très bien. Mais je n’ai pas trop perçu de joie profonde du groupe, par exemple pendant les repas (les discussions), pas trop de sourires non plus, par exemple (alors que je me nourris aussi de connexions humaines chaleureuses). J’ai envie de joie, de légèreté (c’est la ferme légère, diantre !), de rires, d’humour, d’un peu de lâcher prise dans ce monde pré-apocalyptique. Quand je suis revenu la seconde fois, c’était encore plus flagrant. Le groupe était à la fois adorable, attentionné, respectueux, et au fond, je savais qu’il y avait de la joie et de l’humour en elleux, mais l’ambiance restait trop sérieuse pour moi (et pourtant, je suis sérieux !) au point d’en paraître parfois un peu moribonde. Je suis triste d’écrire ces lignes alors que je les aime beaucoup et que je connais leurs belles valeurs, mais c’est aussi de ça que mon coeur se souvient. J’étais content de venir, mais j’avais aussi hâte de repartir.
Avec quoi je repars, mes pépites
- En 2023, je souhaite plutôt trouver un entre-deux entre décroissance radicale et consommation actuelle tout en m’organisant au mieux pour le post-effondrement. Cela se traduit par consommer moins, produire plus moi-même, optimiser les cycles de vie (notamment nutritifs), mais également, et sans attendre, préparer à être autonomes en énergie, en eau, en aliments végétaux et animaux (hors céréales qui restent une problématique à part), investir dans du matériel durable qui ne sera plus produit post-effondrement.
- Moi qui stresse souvent en pensant au futur, j’ai décidé de « construire » dans le présent et dans la joie avant tout. Me préparer au futur, soit, mais surtout, me faire plaisir en faisant « le bien » (j’en parle dans mes fondamentaux).
- J’aimerais à terme me limiter à la consommation d’animaux que j’ai sur mon écolieun (mais toujours pas devenir végétarien).
- Une fois encore, je valorise les compétence de chacun. Mon collectif idéal doit donc être composé de membres de compétences complémentaires avec un·e référent·e pour chaque grand poste essentiel (maraîchage, animaux, construction…)
Cet article a été rédigé le 12 août 2023.